Cour de cassation, Assemblée plénière, 13 janvier 2020, n° 17-19963
Il est fréquent dans les affaires de responsabilité intéressant des groupes de contrats, en matière de construction par exemple, que l’inexécution d’un contrat ait des répercussions au-delà de la sphère de ce contrat, et cause un préjudice à des tiers.
Il reste qu’en principe, le tiers à un contrat est tenu par le principe dit de la « relativité des contrats » qui interdit à ceux qui n’y sont pas partie de se prévaloir de leur inexécution. Ils ne disposent que d’une action dite « délictuelle » pour engager la responsabilité de l’une des parties à ce contrat lorsqu’ils prétendent que son inexécution leur a causé aussi un dommage, ce qui implique qu’ils démontrent qu’elle a commis un fait « objectivement fautif », et pas seulement qu’elle n’a pas respecté son contrat.
Pas toujours simple pour celui qui est étranger à un contrat, qui ignore quelles en étaient les modalités d’exécution, et ce que devait exactement réaliser ou accomplir, avec quels moyens, celui dont il recherche la responsabilité en devant prouver qu’il a eu un comportement « objectivement fautif »…
Le 6 octobre 2006, la Cour de cassation, rendait un arrêt important (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) en facilitant grandement la tâche du tiers au contrat. Elle l’autorisait en effet à se prévaloir du seul fait que le contrat avait été inexécuté pour agir à son tour à l’encontre de l’auteur de cette inexécution et demander, lui aussi, des dommages intérêts. Une seule condition : établir de façon certaine que son préjudice avait bien pour origine directe et certaine la violation du contrat auquel il n’était pas partie.
Certains juges – sous l’influence d’une partie de la doctrine – ont émis des réserves à l’égard de cette solution.
L’Assemblée plénière vient pourtant d’en réaffirmer le principe dans un arrêt du 3 janvier 2020 reprenant à quelques mots près les termes de la décision de 2006 : « le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement ».
L’apport de l’arrêt est qu’il a été rendu dans une affaire où l’obligation contractuelle méconnue – une obligation d’alimentation en énergie – s’analysait en une obligation dite « de résultat ». Même dans ce cas, il suffit au tiers au contrat de démontrer que ce contrat mettait à la charge de celui dont il recherche la responsabilité un résultat qui n’a pas été atteint, alors même que celui-ci n’avait pris aucun engagement à son égard. Inutile, par conséquent, d’établir sa faute.