Cass. civ. 1ère, 4 décembre 2019, n° 19-16634, Publiée au Bulletin
L’action en recherche de paternité permet à un enfant d’établir un lien de filiation avec celui qu’il pense être son père. Elle est prévue par l’article 327 du Code civil. Elle est exclue pour un enfant issu d’une PMA, puisque la recherche de la véritable filiation de l’enfant est alors contraire au principe même d’une procréation empruntant la voie d’un don de sperme ou l’accueil d’embryon, comme le prévoit l’article 311-19 du code civil : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation. Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur ».
Certains géniteurs dont la paternité a été judiciairement déclarée contre leur gré, à la suite d’une action en recherche de paternité, ont parfois tenté de faire retenir une faute à la charge de la mère, consistant dans le fait d’avoir accepté des rapports sexuels sans protection contraceptive. Les tribunaux n’ont jamais accepté de telles demandes et en ont été approuvés par la Cour de cassation (Voir not. : Cass. civ. 2ème, 12 juillet 2007, n° 06-16869).
Alors que celle-ci a jugé, dans une décision du 7 novembre 2018 (n°11-2018 n° 17-26.445 F-PB), qu’il est « de l’intérêt supérieur de l’enfant de voir sa véritable filiation reconnue », certains pères présumés continuent à s’opposer, au nom d’un « droit au secret de la paternité », aux actions engagées à leur encontre par l’enfant ou leur mère et visant à faire établir leur paternité.
En témoigne la question qu’il a récemment encore été demandé de transmettre au Conseil constitutionnel, dans la cadre de la procédure de QPC, dont l’intitulé était le suivant : « L’article 327 du code civil instituant l’action en recherche judiciaire de paternité hors mariage, en ce qu’il empêche tout homme géniteur de se soustraire à l’établissement d’une filiation non désirée, est-il contraire aux principes d’égalité et de liberté constitutionnellement garantis ? ».
S’il n’est guère surprenant, dans un environnement sociétal où chacun revendique son droit à toujours plus de liberté(s), que cette question ait pu être soumise à la Cour de cassation, la réponse était tout aussi attendue.
Celle-ci balaie d’abord l’argument tiré d’une prétendue méconnaissance du principe d’égalité entre homme et femme en relevant : « que la maternité hors mariage est susceptible d’être judiciairement déclarée, comme la paternité hors mariage et dans les mêmes conditions procédurales, y compris en cas d’accouchement dans le secret, lequel ne constitue plus une fin de non-recevoir à l’action en recherche de maternité ».
Et au « principe de liberté » sur lequel s’appuyait aussi le requérant, la cour de cassation répond que l’action en recherche de paternité n’y porte pas atteinte « dès lors que l’homme, qui a la possibilité de prendre des mesures de nature à éviter une procréation, ne peut se voir, de ce fait, imposer une paternité dont il n’aurait pas accepté l’éventualité ».
En d’autres termes, il n’appartient pas au géniteur imprudent de faire supporter à l’enfant, même non désiré, la conséquence de risques qu’il a volontairement encourus.
La question est donc clairement entendue. On relèvera que la position ainsi exprimée par la Cour de cassation rejoint celle de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a jugé qu’une décision annulant le lien de filiation entre l’enfant et l’homme qu’il considère comme son père depuis plusieurs années ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, l’intérêt supérieur de l’enfant étant de connaître la vérité sur ses origines (CEDH 14-1-2016 n° 30955, M. c/France).